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11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 16:00

 

Le tonnerre gronde

 

     

 

Il est environ minuit, nous sommes tous les deux éveillés, mon maître et moi, totalement ébahis devant ce bruit, ces lumières, cette puissance incontrôlable… C’est la première nuit de pluie, et il y en aura encore plein d’autres, et on s’y habituera. Mon maître impressionné me dit, c’est beau, il admire tout cela du balcon, avec toute cette eau qui déferle dans la ville. Les éléments se déchaînent, une démonstration grandeur nature de leur force, contre laquelle il est impossible de résister. On imagine ce que cela peut donner avec les cyclones et autres tempêtes.

 

Il me raconte comment le dimanche précédant cette nuit, sur le chemin du retour de Mahabalipuram en voiture, il avait eu un avant-goût de cette pluie. Certes, la terre dégageait cette odeur caractéristique « d’avant la pluie »: Quelle singulière odeur que celle-ci, celle que la terre dégage juste avant les premières pluies comme si elle se joignait aux hommes pour réclamer cette eau salvatrice, cette odeur qui nous attache et qui nous rend nostalgique de cette terre et de ces moments là lorsqu’on en est loin. Certes, le ciel était chargé de nuages s’épaississant au cours de la journée, ce qui a permis de passer une journée agréable sans ce soleil qui tape. Certes, la mer était agitée, et il a évité la baignade ce dimanche-là (en réalité, il y serait bien allé quand même, mais le temps est passé trop vite). Mais rien, rien, ne laissait présager autant d’eau !

Quelques petites gouttes pour la sensation, et puis d’un coup, avec une force étonnante, des torrents d’eau se sont mis à taper sur le pare-brise, les pauvres essuie-glaces n’étant plus d’une grande utilité. La visibilité devenant très faible, beaucoup de véhicules se sont rangés sur le coté, au moins le temps de s’habituer à cette nouvelle donne, et de repartir tout doucement pour les voitures. Pour les nombreuses motos, la route est devenue quasi-impraticable, et les piétons se sont attroupés sous les abris comme les entrées de magasin, en attendant patiemment que cela se calme un peu. La chaussée s’est remplie d’eau, à certains endroits il est devenu difficile d’avancer avec autant d’eau sur le coté de la route : des petites rivières se forment, qu’il faut franchir non sans une petite appréhension. Avec une route aussi sèche quelques minutes auparavant, il est logique que cette quantité soudaine et inimaginable d’eau soit difficile à absorber. Sans parler des systèmes d’évacuation et d’assainissement bouchés, courants ou systématiques dans certains quartiers de Chennai (ou d’autres villes indiennes d’ailleurs).

C’est beau… Mais il est fou ou quoi ? Moi j’ai envie de me cacher, ces éclairs et la foudre avec le bruit impressionnant du tonnerre, mais aussi de cette eau qui tape fort partout, cette sensation qu’il est impossible que cela s’arrête, ont de quoi donner la frousse. J’ai envie de dire que c’est la fin du monde, oui ! On finira par aller se coucher, plutôt bien dormir avec toutes ces images dans la tête, le bruit nous berçant (paradoxe de ces bruits de la nature très forts, mais qui ne gênent pas pour dormir)… et on se réveillera avec ce soleil lumineux, comme si rien ne s’était passé. Et pourtant, nous nous sentons plus légers avec cet air un peu plus frais, comme si ces eaux nous avaient débarrassées de certaines de nos appréhensions de la vie. Du même balcon, mon maitre sirotant son café matinal, avec l’arabica torréfié et son parfum qui réveille les sens (toujours les odeurs…), et moi profitant de ses caresses, la ville elle-même semble lavée, plus calme, reposée. Mais cette sensation sera de courte durée, le quotidien reprenant vite le dessus… jusqu’au déferlement suivant.

 

La mousson un peu partout en Inde, c’est souvent cela, de grosses pluies très fortes, mais pas trop longues (sauf dans certaines régions, ou il peut pleuvoir plusieurs jours non-stop). L’arrivée de la pluie est vécue comme une libération pour les agriculteurs, sa précocité et son importance étant déterminante pour les récoltes, et en ville, la fraîcheur de la pluie est attendue de pied ferme, la chaleur juste avant atteignant des pics insupportables. Cela déclenche aussi des bouchons incroyables, de la gadoue, des difficultés quotidiennes, mais l’eau reste synonyme de joie et de l’entrée dans une nouvelle saison, forcément prometteuse.

Le cinéma indien célèbre souvent les pluies et la mousson (en revanche, je ne connais pas une seule chanson saluant la saison sèche !), tous les indiens, souvent bons chanteurs, fredonnent les chansons innombrables sur la pluie – pour s’en rendre compte, il suffit de taper sur google saawan (pluie en hindi), et l’eau est souvent utilisé dans les scènes d’amour. Quoi de plus sensuel que un corps qui se dessine sous la pluie avec les vêtements qui collent à la peau, en mettant en valeur les formes ? Même dans les films récents, dans lesquels le tabou du sexe tend à disparaître, les chorégraphes indiens (de vrais talents issus de la tradition des chansons et danses bollywwod, et que le monde entier copie) continuent à abuser de cette puissante technique suggestive. Parce que ces sensations-là parlent aux indiens : avez-vous déjà été mouillé par une pluie d’été, ces douches en plein air lorsqu’il fait chaud ? Cette sensation là, on peut la vivre ici pendant la mousson, car il continue à faire dans les 30 degrés… Et on en profite en pleine conscience de ce privilège : un des amis de mon maitre lui disait que après sa journée de travail, en rentrant sur sa moto, il ne mettait pas son blouson de pluie de manière à apprécier ses gouttes de pluie qui s’écoulaient et rafraîchissaient son corps, douche naturelle unique !

AA Chennai ville 80

Moi, je déteste être mouillée, avec le froid de l’eau, mon poil qui colle, je dois passer des heures ensuite à le rendre brillant avec ma langue, je ne sais pas pourquoi les indiens aiment la pluie, mais c’est sûr, ils aiment ca !

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commentaires

R
A Bordeaux aussi c'est la mousson!!!! L'exotisme en moins<br /> Mon ordinateur de compagnie (à défaut de matou): hp EliteBook n'est pas du tout impressionné par les aléas climatiques (contrairement à ton Super Cat, faut dire qu'on a ni la foudre ni le tonnerre)<br /> et il sait que de toutes façons ça va chauffer toute la journée!!! BISES
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X
Bonjour moudere,<br /> <br /> À côté, la pluie bretonne est vraiment insignifiante .... Je ne comprends pas ton chat hydophobe !!!<br /> <br /> Merci pour ces news.<br /> <br /> Xavier
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