Pondichéry : India Song
Pondichéry se trouve à 150kms environ de Chennai, une « autoroute » avec péage permettant de la rejoindre en moins de 3 heures, l’East Coast Road (ECR). Une belle route agréable qui borde la mer, mais aussi dangereuse avec les envies de vitesse qu’elle provoque, en particulier aux taxis, aux 2-roues, et aux bus qui conduisent comme des fous, ces derniers ayant la priorité absolue ! Pas un voyage jusqu’à présent sans que je croise au moins un accident, souvent spectaculaire. Tout de suite derrière, par réflexe, on lève le pied de l’accélérateur pendant quelques kilomètres, le temps qu’une autre image remplace l’atroce. C’est un des défauts et qualités de l’être humain, il sait oublier les mauvaises choses, et tirer des leçons des choses reste un concept relatif : Les échecs, les malheurs, les expériences et les rencontres malheureuses nous font avancer sur notre chemin certes, mais pour notre bien, nous finissons par les oublier, leur souvenir omniprésent n’est pas compatible avec notre recherche du bonheur et du plaisir.
Cela n’empêche pas d’en faire une destination de week-end de choix pour échapper à la vie trépidante et trouver un peu de calme en dehors d’une mégalopole comme Chennai. Je commence néanmoins à apprécier Chennai en tant que tel, un peu comme à mon arrivée ici, et mon besoin de me « ressourcer » est moins pressant.
L’autre destination « classique » des jeunes Chennaites expatriés et des « routards », est Mahabalipuram, souvent évoqué dans ce blog, mais mon sentiment sur cet endroit reste partagé, et j’y vais de moins en moins. Il s’agit typiquement d’un village pour touristes « routards » ou plus riches dans les « resorts » en bord de mer (plutôt en dehors de la ville). Certes, la gentillesse et le sourire s’y pratiquent autant qu’à Chennai (c’est une vraie signature du Tamil Nadu), c’est un site archéologique remarquable avec les vestiges de temples anciens, des sculptures de toute beauté (jusqu'à la plage, certaines n’étant visible qu’à certaines périodes de l’année, enfouies sous le sable ou sous l’eau, selon les marées). De vraies artistes sculpteurs de la roche s’y exercent et vendent leurs œuvres à des prix défiant toute concurrence : on peut même y passer sa propre commande selon la forme désirée. En plus on y trouve de la viande de bœuf et des plats européens dans les restaurants, de la bière, des bars le soir (sans véritables restrictions horaires comme à Chennai), certaines autres substances pas toujours licites… On peut s’y baigner, et se détendre donc avec de belles siestes.
Mais au total, cette impression de ville de débauche à destination de personnes qui ont de l’argent ne m’y fait pas sentir à l’aise. Ayant du mal à « glander » au bout d’un certain temps, et n’étant pas du genre a m’éclater la nuit en buvant de l’alcool à gogo, je ne m’y sens pas mieux que dans le confort de mon « chez moi » à Chennai.
Qui n’a pas entendu parler de Pondichéry, dénommée depuis une dizaine d’années Puducherry en Inde (la plupart des noms de ville ou de régions ont été indianisés par un gouvernement proche de l’hindouisme radical… Madras est ainsi devenu Chennai), un des seuls lieux en Inde dans lequel l’influence française persiste encore aujourd’hui ? La France n’a jamais réussi à « percer » en Inde, à l’exception de quelques petits comptoirs (Pondichéry, Chandernagor), qui sont devenus des endroits précieux par l’ambiance unique et différente qui y règne, comme aussi pour les comptoirs portugais en Inde (Goa ou Diu). Ce sont des endroits où le passé a laissé une marque indélébile, sans doute aussi parce que cet héritage est cultivé par les locaux, mais aussi par les nombreux français installés ici depuis plusieurs générations ou depuis très récemment. La différence est précieusement entretenue, on retrouve des noms de rue comme « rue Romain Rolland », « rue Suffren », « rue de Bussy » à côté des statues de Gandhi ou de Nehru. L’ambiance qui règne dans la ville blanche (centre historique) est marquée par un parfum de nostalgie, ce mot « nostalgie » est celui qui caractérise le mieux Pondichéry.
A chacun de mes voyages à Pondi, la musique dans la voiture est toujours la même quelques kilomètres avant l’arrivée : « J’ai la mémoire qui flanche, je ne sais plus très bien… ». Jeanne Moreau m’accompagne avec sa voix si pleine de cette même nostalgie, des chansons qui préparent à cette ville, en s’inscrivant exactement dans une atmosphère particulière de noir et blanc, d’un langage très particulier empreint d’une certaine grâce et élégance mais en même temps de légèreté et d’une vie facile, on imagine des costumes en lin et des femmes qui portent les chapeaux… Et ces airs qui se sont bonifiés avec le temps comme du bon vin, que l’on reconnait à la première note, des paroles qui sont exactement dans l’esprit de cette ville si française et si indienne : voilà le secret de Pondi et pourquoi je l’apprécie tant, moi avec mon cœur qui balance des deux côtés !
On a tout de suite ce sentiment d’être projeté dans un autre temps, des villas coloniales d’un charme incroyable, cela rappelle un peu Madagascar. On peut déjà les admirer en se promenant dans les rues, mais nous avons eu la chance avec mes parents d’avoir passé quelques jours dans une de ces villas. Des jardins somptueux, une suite avec un immense salon, un ameublement et une décoration melange d’antiquités et de modernité, ces endroits qui respirent leur histoire à travers les murs mêmes, sans même que nous en connaissions les détails.
Beaucoup de ces villas en voie de dépérissement il y a quelques années, ont vu leur charme renaitre, grâce à une revalorisation forte du foncier (le million d’euro n’est pas rare dans les transactions dans le centre historique), avec des guest houses rappelant le luxe des riyads de Marrakech, ou bien des superbes restaurants. Manger dans des cadres pareils sublime la nourriture, par exemple « La maison Rose » n’est pas seulement une belle bâtisse, et un endroit magique, mais offre un menu qui donne envie d’essayer beaucoup de choses : on partage autre chose dans ces endroits, des moments qui restent gravés dans nos mémoires.
Le bord de mer (rochers, pas de plage dans la ville même) est bordé d’un boulevard sur tout le long, qui le soir est fermé à la circulation (vélos et piétons seuls autorisés de 18h à 6h). On vient alors flâner, en famille pour déguster toutes ces délicieuses gourmandises en vente par les marchands ambulants, en amoureux se faire des câlins sous la bienveillance d’un ciel étoilé et/ou d’une belle lune et son reflet dans l’eau, ou seul pour observer tous ces gens ou méditer dans son coin ! On peut aussi déguster un thé ou un jus au seul café bordant ce boulevard, avec vue directe sur la mer, le seul bâtiment subsistant de l’ancien port dont on voit les quelques vestiges de fondations en bois surgir de la mer quelques mètres plus loin. Endroit idéal pour petit-déjeuner !
Privilège rare, j’ai pu parcourir la « baie » devant Pondichéry en bateau de pêche grâce à un ami, ce qui permet de voir Pondichéry d’un point de vue unique (ceux qui l’ont voulu ont pu même se baigner en pleine mer avec Pondichéry à nos pieds…). Avec un autre privilège, une chance lors de ce périple en bateau, un banc de dauphins que nous avons vu évoluer à quelques mètres de nous. Bien sûr, là encore des moments rares.
Pondichéry en même temps offre aussi des rues commerçantes débordantes d’activité, un marché le dimanche où toutes les babioles se vendent. Le tourisme, même si il est très présent, se fond dans ce quotidien.
Autre chose originale : les policiers ont un costume très élégant, tout en blanc... et un képi rouge. Une prestance inégalée pour faire faire respecter le code de la route et réguler ce flux aussi important qu'à Chennai de toutes sortes de véhicules sur les grandes artères !
Une autre des caractéristiques de Pondichéry est la proximité d’Auroville. Un concept unique de ville autonome, qui se suffit à elle-même, où toutes les nationalités et religions se retrouvent pour méditer. Créé par Sri Aurobindo, et à sa mort poursuivi par sa femme (française), morte également depuis, qui en est une figure phare et qui a véritablement œuvré pour son développement.
Elle est appelée « La Mère » et sa photo se voit partout, pas seulement à Pondichéry. Je ne connais pas tous les détails, et je ne chercherai pas ici à en expliquer tous les détails, il y a ce qu’il faut ailleurs pour en savoir plus (je vous conseille de vous renseigner, le concept a son intérêt malgré la difficulté de mise en œuvre).
Auroville se visite, avec le Matra Mandir qui peut être vu de l’extérieur avec les jardins encore en cours de conception, le concept étant loin d’être opérationnel, tout étant encore en phase de construction depuis plusieurs années… Dans la ville même de Pondichéry, un ashram et de nombreuses guest-houses réservées aux pèlerins qui viennent prier/méditer. Auroville produit par ailleurs plein de choses, des vêtements, du papier, des bijoux, des meubles, une des choses les plus connues étant l’encens, célèbre pour sa qualité, vendu dans le monde entier… Tout cela fait que Pondichéry dégage également cette atmosphère de spiritualité, avec plein de pèlerins venus se chercher ou chercher Dieu.
Enfin, et pas une desmoindres sources de revenus pour le « gouvernement local » (rappelons que l’Inde est un pays fédéral, organisé comme les Etats-Unis d’Amérique), est l’alcool. Non seulement, il est moins cher grâce aux moindres taxes, mais surtout on trouve une variété d’alcool que l’on ne trouve pas à Chennai ou dans le reste du Tamil Nadu, y compris les bonnes bouteilles internationales, mais aussi du vin, indien comme français ou australien, ce qui pour un chennaite est un luxe ! Evidemment cela attire plein de gens de l’état voisin, même si les policiers surveillent régulièrement les « cargaisons » dans les bus ou les taxis aux « frontières » (heureusement, ils arrêtent moins les voitures individuelles comme la mienne, la prise étant sans doute moins rentable) : on m’a même dit qu’il existait des « deals », les policiers les revendant à nouveau aux magasins d’alcool qui les remettent dans les rayons !
L’essence est moins cher également, plein systématique avant le retour à Chennai bien sûr. Et puis, ravitaillement en camembert français (qu’on trouve à Pondichéry et pas à Chennai), et en baguettes (j’ai découvert une boulangerie qui en fait d’excellentes).
Dédicaces spéciales pour cet article :
- Mes parents, ma sœur, son mari et leur fils, avec qui j’ai partagé de beaux moments à Pondichéry et Mahabalipuram
- Une de mes cousines et son mari qui ont prévu un voyage à Pondichéry en décembre, j’espère que cet article leur donne envie, et aussi quelques clés de visite
Et enfin, pour rappel, fortement conseillé (j’étais déjà un fan avant Pondichéry, pas forcément de l’actrice ni du personnage, mais de ses chansons et de sa voix) : album de Jeanne Moreau.